Depuis des décennies, la vallée de PUNARU’U accueille chaque année, sur ses hauts-plateaux, des amoureux du TĀMANU bravant ses sentiers difficiles en quête des plus belles oranges. Des générations de porteurs d’oranges, qui, tel que le fut TEARE, sont appelés à arpenter notre belle vallée dès leur plus jeune âge.

A PUNAAUIA, cette ascension vers le plateau des orangers fait partie intégrante d’une transmission de savoir intergénérationnelle au sein des familles de la commune.  Né en 1912, c’est à l’âge de dix ans que TEARE arpente pour la première fois le célèbre plateau des orangers en compagnie de son père et des anciens du district de PUNAAUIA. Respectueux de ses aînés, il écoutait, apprenait et mettait en pratique ce que lui transmettaient les anciens, « les vieux » comme il les appelait. « Les oranges sauvages de la Punaruu, Teare ne les connaissait que trop. Il leur a même consacré la majeure partie de son existence ».[1]

 

 

Le TĀMANU, la grande passion de TEARE

Comme tous les anciens, TEARE était respecté des plus jeunes. Malgré son âge avancé, il ne pouvait pas se passer des plateaux, il continuait à escalader le TĀMANU, à son allure certes, mais il le faisait avec toujours la même passion.

Paul PERE, ancien porteur d’oranges aujourd’hui engagé dans la protection du patrimoine historique, culturel et naturel de la commune de PUNAAUIA se souvient de ce doyen qui mettait une semaine pour gravir le TĀMANU. Une semaine, non pas parce que la force lui manquait, bien au contraire, mais tout simplement parce qu’il aimait à profiter du paysage. Il prenait son temps pour monter, s’installant çà et là au gré de ses envies pour y passer la nuit.

 

TEARE, « Homme des cavernes »

Louis TAEA, un porteur d’oranges, nous raconte la personnalité de TEARE ; celle dont il fut le témoin lors de ses ascensions vers le TĀMANU à ses côtés.

Ainsi le décrit-il : « Il y a tant de chose à dire à son sujet. En raison de son âge avancé, TEARE ne s’évertuait pas à rejoindre le refuge car il savait qu’il ne pouvait pas suivre la cadence des jeunes pour aller chercher les oranges. On l’appelait Homme des cavernes car, lorsqu’il partait à la recherche d’un oranger, et dès qu’il l’avait trouvé, il préparait de suite son couchage près de cet arbre. Aucun «pē'ue » (natte), ni couverture, il se contentait de rentrer ses jambes dans le sac qui lui servirait à transporter ses oranges. C’est pour cela que nous disons toujours, lorsque tu vois l’oranger de quelqu’un d’autre, ne vas pas cueillir les fruits. Ces aînés étaient vraiment très respectés.

Lorsque sa famille le réclamait et qu’on lui disait « Teare tes enfants te demandent de rentrer sur le rivage car ils pensent à toi, il répondait, laisse les penser. Lorsque je suis sur le rivage, ils ne s’occupent même pas de moi ». Mais ce n’est pas que ses enfants ne lui portaient aucune attention, c’était  son excuse pour demeurer sur les plateaux car la vallée de PUNARU’U était devenue une maladie pour lui. »

TEARE, témoin de l’évolution de l’accès aux plateaux des orangers

En 1987, au mois de septembre, il est interviewé pour le magazine de la commune « Vivre à PUNAAUIA ». Alors âgé de 75 ans, et ayant conservé son allure athlétique, il continue de parcourir « inlassablement le chemin qui mène aux hauteurs de Punaruu, non pas pour la cueillette, mais, simplement pour l’amour de la vallée

Alors qu’il a passé plus d’une soixantaine d’années de sa vie à sillonner les plateaux de PUNARU’U, TEARE, fait part de ses observations sur la mythique montée aux oranges : « A l’époque, dira-t-il, la tradition battait son plein.(…)Les règles étaient celles de la communauté. C’était un peu comme une récompense pour ceux qui avaient travaillé à l’entretien du refuge et à l’accès aux plateaux. Rien n’était officiel et tout se passait au mieux. Chacun était autorisé à ramasser soixante oranges, et tout le monde donnait spontanément priorité à ceux qui n’avaient pas de travail en bas. Maintenant, il faut être membre de l’association et accepter de nouvelles règles. Pourtant avec l’arrivée des jeunes, il y a un peu de relâchement dans les mentalités. Ils ne respectent plus comme avant le savoir-vivre qui régnait dans notre communauté ».TEARE a observé de tout près l’évolution récente de la vallée : « Maintenant, tout est plus facile. Tu peux venir en voiture jusqu’au bas du TĀMANU, et même se poser là-haut en hélicoptère ».

En effet, les plus anciens porteurs d’oranges, comme Pāpā Pahio TAPETA, arpentant aujourd’hui encore les plateaux du TĀMANU, se souviennent qu’autrefois, l’ascension vers les plateaux débutait à l’entrée de la vallée de PUNARU’U, sur le stade. Il fallait alors traverser toute la vallée à pieds avant d’arriver à flanc de montagne et entamer la rude montée vers les orangers du TĀMANU.

 

Tel que le fut TEARE, nombres ont été ou sont aujourd’hui passionnés par le TĀMANU. Ces hauts-plateaux, patrimoine de notre Commune, deviennent leur résidence le temps des oranges. Une résidence où le respect doit primer avant toute chose.

Et comme l’a souligné Louis TAEA : « Respectons et écoutons nos aînés ».

 

Illustrations:

- Portrait de TEARE, magazine Vivre à PUNAAUIA, septembre 1987, Archives Communales de PUNAAUIA

- Vallée de PUNARU'U, Lucien Gauthier © Serge KAKOU, Fonds Gutzwiller, Collection Archives PF (Service du patrimoine archivistique et audiovisuel)

- Tamanu, , magazine Vivre à PUNAAUIA, septembre 1987, Archives Communales de PUNAAUIA

Témoignages:

Monsieur TAEA Louis,

Monsieur PERE Paul

Pāpā TAPETA Pahio


[1] Magasine Vivre à Punaauia N°2 SEPTEMBRE 1987, Archives Communales de PUNAAUIA.