La bataille de Bir Hakeim
Bir hakeim avant l’assaut. Mai 1942. Tera Amata est le deuxième debout à partir de la droite (Fond John Martin)
Il y a 70 ans, le 27 mai 1942, la 1ère brigade française libre, comportant dans ses rangs 300 volontaires des Etablissements français de l’Océanie (E.F.O), soldats du bataillon du Pacifique emmenés de Tahiti le 21 avril 1941 par le capitaine Félix Broche, est retranchée autour des ruines de l’ancien fortin turc de Bir Hakeim dans le désert de Lybie. Avec leurs frères d’armes, ces hommes vont entrer dans l’Histoire en résistant pendant 15 jours aux assauts des unités d’élite italiennes et allemandes de l’Africa Korps.
La Ville de Punaauia participe à la commémoration de ce haut fait d’armes et s’associe à l’entreprise de mémoire entamée par l’association « les Polynésiens dans la guerre » . En effet, plusieurs enfants de Punaauia ont pris part à cette grande bataille du désert. Les états signalétiques du Bataillon du Pacifique recensent quelques natifs de la commune : Pihahuna Teriitemoehau, Tera Amata, Apa Mataoa, Hutia Tapeta, Rooiti Teharuru, Revatua Teipootahiti, François Teremate, Tairere Teuru, Tahua Nahenahe, Vahineninitua Avaemai, Vaea Puahi, Teuira Maruhi, Atera Teuira, Oreore Ahutoru, et Zelubapela Teuira.
En leur mémoire, une stèle avait été érigée à la mairie en 1990. Nous souhaitons à nouveau rappeler et raconter leur engagement et leur sacrifice.
Bir Hakeim (le « puits du vieillard ») est un carrefour d’une surface de 16 kilomètres carrés au milieu du désert de Lybie. Le terrain est rocailleux et désertique avec deux petits promontoires artificiels appelés les « mamelles », deux vielles citernes sans eau.
Depuis qu’ils s’y sont installés, les hommes subissent le vent de sable et ses tempêtes, la chaleur, les mouches, la soif et le froid des nuits du désert. Ils ont connu leurs premières escarmouches dans des patrouilles motorisées (appelées les « Jock columns ») à l’intérieur des lignes italiennes et allemandes. Ils se sont enterrés individuellement car leur chef, Koenig, dit « le Vieux Lapin », étant ancien poilu de 1914, sait la force d’un homme enterré et déterminé. Les véhicules, les mitrailleuses et l’artillerie sont également enfouis avec des circulaires d’appui. La position de Bir Hakeim est protégée par environ 70 000 mines antichars.
Bir Hakeim gêne Erwin Rommel, surnommé « le Renard », chef de l’Africa Korps, qui veut écraser la VIIIème armée britannique, prendre Tobrouk et la route des puits de pétrole. Le 27 mai, il ordonne l’attaque de Bir Hakeim. Les blindés de la division italienne « Ariete » chargent sans aucun appui et traversent les champs de mines. Les tahitiens sont en première ligne et accusent le choc. Les canons de 75 de la section lourde détruisent 33 chars italiens en une demi-heure. Le lieutenant-colonel Prestisimone qui a mené l’assaut italien est mortellement blessé. Les 6 tanks italiens qui parviennent à pénétrer dans l’enceinte de la position sont détruits à la grenade incendiaire.
Le 28 mai, l’encerclement est total. Le bataillon repousse, après les chars, les assauts successifs de l’infanterie ennemie. Sans relâche, les hommes tirent sur les assaillants qui accusent de lourdes pertes. Les culasses des armes chauffent à blanc.
La nuit venue, la Royal Air Force anglaise croit Bir Hakeim investie par l’ennemi à cause des nombreuses carcasses de chars restées sur le terrain et bombarde le site du fortin, tuant deux tahitiens.
Le 29 mai, l’attaque se déplace vers le secteur proche de Knightbridge où se livre une bataille rangée de chars. De leur position, les tahitiens entendent le fracas des combats. Rommel écrase la 150ème brigade anglaise dont les chars se sont enlisés. Il peut désormais reprendre l’offensive contre la position de Bir Hakeim.
Le 1er juin, les premières vagues de stuka martèlent Bir Hakeim. A partir du 2 juin, l’artillerie prend le relais des bombardements aériens et plus de 40 000 obus sont tirés de part et d’autre. Plusieurs ultimatums de reddition sont envoyés par Rommel aux assiégés qui les refusent. Les soldats enterrés dans leurs trous individuels résistent aux bombardements et ripostent aux assauts.
Le 8 juin, le poste sanitaire enterré de Bir Hakeim est pulvérisé, tuant la vingtaine de ses blessés dont plusieurs tahitiens.
Le 9 juin, le colonel Broche (surnommé « Papa » par les tahitiens) est mortellement blessé à la tempe par un obus dans son poste de commandement ainsi que son adjoint, le capitaine Duché de Bricourt. Le 2ème classe Vahineninitua Avaemai, ordonnance de Duché de Bricourt, a été certainement témoin de l’agonie de Broche. A quelques dizaines de mètres, le jeune 2ème classe Tahua Nahenahe est pulvérisé dans son trou par un obus.
Koenig ordonne une sortie de vive force par la chicane tenue par le bataillon du Pacifique. Dans la nuit noire, la brigade entière va devoir s’échapper en emmenant les blessés et les armes.
A minuit, les tahitiens ouvrent le convoi. En milieu de chicane, de premiers tirs ennemis sporadiques répondent à leur marche silencieuse. Il s’ensuit un fracas assourdissant d’explosions et de balles traçantes. Les éléments à pied et motorisés, les « bren carrier » (véhicules à chenillette armé d’un canon), écrasent les nids de mitrailleuses ennemies ou réduisent les tranchées allemandes ou italiennes dans des corps à corps meurtriers ou à la grenade.
Il n’y a plus de commandement, c’est chacun pour soi avec la consigne de percer et de rejoindre l’azimut 213. Des soldats font marche à arrière pour être faits prisonniers mais certains seront finalement tués. Des véhicules en colonnes qui se sont élancés sont pulvérisés par des obus ou sautent sur des mines. Ils brûlent et illuminent le terrain. Les allemands jettent de l’essence sur les véhicules pour accentuer leur embrasement et repérer ainsi leurs attaquants. Les explosions incessantes couvrent les cris des hommes blessés qui sont tombés dans le désert et sur lesquels roulent les camions qui s’échappent dans la nuit opaque. Vaea Puahi à la mâchoire fracassée par une balle. La plaque métallique qui viendra la réparer lui vaudra plus tard le surnom de « taa auri ». (« mâchoire de fer »). Le général Koenig rapportera plus tard que « cette nuit-là , chaque homme était à lui seul une aventure, une histoire, une tragédie».
Au matin de la sortie de Bir Hakeim, le brouillard couvre par chance le désert et protège la fuite du bataillon.
On raconte que l’aumônier protestant du bataillon l’adjudant chef Teuira Maruhi aura prié toute la veille de la sortie de vive force.
Cependant, plus de 600 hommes manquent à l’appel.
Une dizaine de tahitiens ont été tués ou sont portés disparus.
Une vingtaine d’entre eux, blessés, ont été faits prisonniers. Leur épreuve n’est pas encore terminée. Certains meurent de leurs blessures dans les camps de prisonniers de Lybie (ainsi Tepua Tematafaarere soldat de la section de John Martin, blessé lors de la sortie de vive force, décèdera dans le camp italien de Bengazi). Les autres sont embarqués pour un camp de prisonniers vers l’Italie à bord du navire Nino Bixio qui est torpillé le 17 août 1942 par un sous-marin anglais. Onze d’entre eux périssent, dont Zelubapela Teuira.
Les natifs de Punaauia qui ont échappé à l’encerclement de Bir Hakeim n’en seront pas pour autant pour fin de compte : Atera Teuira sera tué en Italie le 12 mai 1944 et Oreore Ahutoru sera tué à Hyères le 21 août 1944.
La bataille de Bir Hakeim, où les troupes de l’Axe n’ont pu avoir raison de ces océaniens enragés après 15 jours de siège, louée comme la première victoire de la France libre, attestera pour les générations à venir de l’opiniâtreté et du sacrifice des volontaires du Pacifique, héritiers de leurs fiers ancêtres polynésiens, hommes de la mer mais aussi redoutables guerriers. Ils méritaient ce modeste témoignage de reconnaissance.
Pour plus d’infos, consulter le site : www.lestahitiensdanslaguerre.com