Tiurai le guérisseur

Grand « TAHUA » ou guĂ©risseur de son Ă©poque, c’est Ă  PUNAAUIA, au kilomĂ©trage 12, que TAHIARUA ONOHI MIHINOA A TATI, dit TIURAI, avait Ă©lu domicile. 

TAHIARUA ONOHI MIHINOA A TATI dit TIURAI

NĂ© Ă  PAPARA, TIURAI, de son vrai nom TAHIARUA ONOHI MIHINOA A TATI Ă©tait issu d’une des plus grandes familles de l’üle. « S’il avait voulu, il aurait pu occuper un rang prĂ©pondĂ©rant parmi les chefs influents des TEVA Â».

Homme de trĂšs forte carrure, mesurant 2 mĂštres de haut, TIURAI Ă©tait connu pour ĂȘtre honnĂȘte et trĂšs croyant. D’une simplicitĂ© remarquable, il Ă©tait vĂȘtu d’un Â« pāreu bleu et jaune qu’il portait trĂšs court Â». Il n’était que rare qu’il sortait, et pour l’occasion, il Ă©changeait son « pāreu Â» bleu et jaune contre un de couleur noir agrĂ©mentĂ© d’une « chemise de calicot blanc Â». ComplĂštement dĂ©sintĂ©ressĂ© et vivant sans femme, il se fit baptisĂ© Ă  PUNAAUIA le 25 juin 1858 par Monseigneur TEPANO JAUSSEN, annonçant Ă  ses parents qu’il observerait le cĂ©libat et deviendrait moine.

Victime de la grippe espagnole, il mourut en 1918, et fut enterrĂ© dans le cimetiĂšre de l’église catholique Saint-Etienne de PUNAAUIA.

TIURAI Ă  PUNAAUIA

TIURAI vivait Ă  PUNAAUIA, dans un vieux petit « fare Â» (maison, case), installĂ© prĂšs de l’enclos paroissial catholique Saint-Etienne. DĂ©labrĂ©e et Â« ouverte aux quatre vents des cieux Â», sa petite hutte Ă©tait faite de bois de Â« purau Â» (Hibiscus tiliaceus), et couverte de feuilles de cocotiers. Une natte de pandanus Ă  mĂȘme le sol lui servait de lit, et une bĂ»che, d’oreiller. De grands arbres, cocotiers, Â« tamanu Â» (Calophyllum inophyllum), Â« hotu Â» (Barringtonia asiatica), et des lianes de toutes espĂšces entouraient sa petite case. Des herbes sĂšches, des racines et des Ă©corces de plantes constituant sa pharmacopĂ©e traditionnelle Ă©taient suspendues aux poutres de son petit « fare Â». Vivant simplement, il ne disposait d’aucun meuble, si bien que les grandes pierres et les grosses racines prĂ©sentes sur sa propriĂ©tĂ© servaient de siĂšges Ă  qui venait lui rendre visite.

Aujourd’hui, le terrain oĂč il vĂ©cut est encore visible. La servitude permettant d’y accĂ©der porte dĂ©sormais son nom, soit, la SERVITUDE TIURAI.

TIURAI, le guĂ©risseur au grand cƓur

DĂšs son plus jeune Ăąge, TIURAI prĂ©fĂ©ra la compagnie des anciens Ă  celle des jeunes de son Ăąge. Curieux et intĂ©ressĂ©, il apprit auprĂšs de ces vieillards Â« les secrets de la thĂ©rapeutique indigĂšne, qu’il pratiqua sous toutes ses formes jusqu’Ă  sa mort. Dans le traitement de ses malades, il remarqua que la foi jouait un grand rĂŽle dans la guĂ©rison, et qu’elle Ă©tait un des principaux facteurs du succĂšs de ses maĂźtres ; il fit donc une Ă©tude spĂ©ciale de ses diverses manifestations et de l’Ă©tat psychologique de ses patients, et obtint dans la suite des rĂ©sultats merveilleux, presque prodigieux, d’oĂč la rĂ©putation qu’il acquit de « biobio », sorcier Â».

Selon Orsmond WALKER, il « avait distinguĂ© et soignait quatre types de maladies :

‱ MA’I TINO : maladie du corps

‱ MA’I MANA’O : maladie de la pensĂ©e, de l’idĂ©e

‱ MA’I VARUA : maladie de l’esprit (d’un dĂ©funt)

‱ MA’I VAITE : maladie de l’ñme Â». 

TIURAI consacrait tout son temps Ă  ses malades. Il les soignait avec des plantes, des traitements d’ordre psychologique et beaucoup d’autosuggestion. Insistant sur le fait que ses dons de guĂ©risseur lui avaient Ă©tĂ© donnĂ©s gratuitement, il refusait tout paiement en espĂšces pour les soins qu’il prodiguait. Ses patients, en remerciement, lui envoyaient alors des prĂ©sents sous formes de nourriture (« uru Â», « fe’i Â», « taro Â», poissons, etc.).

Homme au grand cƓur, il ne gardait que le stricte nĂ©cessaire Ă  ses besoins et donnait le reste des denrĂ©es qu’il avait reçus Ă  ses malades qui lui paraissaient Â« pauvres et misĂ©rables Â».

Pour TIURAI, Ă  qui certains attribuaient Ă©galement le rĂŽle de « passeur d’ñmes Â», il Ă©tait primordial que chacun garde le lien avec ses origines. La mĂ©moire des ancĂȘtres reprĂ©sentait Ă  ses yeux le plus bel hĂ©ritage qu’ils pouvaient nous transmettre. Pour avoir un corps en bonne santĂ©, il Ă©tait important de conserver une pensĂ©e juste« Si notre hĂ©ritage Ă©tait malmenĂ©, on ne pensera plus juste et on tombera malade Â».

Homme de bon sens, aux connaissances variĂ©es, tant sur le plan de l’hygiĂšne, de l’anatomie que de la botanique mĂ©dicinale, TIURAI fut « le plus cĂ©lĂšbre « hiohiu Â» – guĂ©risseur – de son Ă©poque Â».

Sources:

– SociĂ©tĂ© Des Etudes OcĂ©aniennes. OCEANIA : LĂ©gendes et rĂ©cits polynĂ©siens. WALKER Orsmond. TIURAI LE GUERISSEUR. Tahiti, SociĂ©tĂ© des Etudes ocĂ©aniennes, avril 2012,  282p.

– SociĂ©tĂ© Des Etudes OcĂ©aniennes. Bulletin N° 248 TOME XX-1. LittĂ©rature et folklore. WALKER Orsmond. Tiurai le GuĂ©risseur, p. 163-195, Tahiti, SociĂ©tĂ© des Etudes ocĂ©aniennes, septembre 1989, 197 p.

– O’REILLY Patrick. Tahiti au temps de la reine PomarĂ©, p. 124-127, Paris, SociĂ©tĂ© des OcĂ©anistes, 1975, 240 p.

Illustrations:

1- GRAND Simone. Tahu’a, tohunga, kahuna, Le monde polynĂ©sien des soins traditionnels. Pirae (Tahiti) : Au vent des Ăźles, 2007, 354 p. (1 vol) © Droits RĂ©servĂ©s.

2- Tombe du guĂ©risseur TIURAI, cimetiĂšre catholique de la paroisse Saint Etienne de Punaauia © Tahiti HĂ©ritage.

3- Fare du Tahua TIURAI Studio Mc Kenzie – Source Tahiti Heritage © Droits rĂ©servĂ©s.


Ville de Punaauia avec la collaboration du MusĂ©e de Tahiti et des Îles, du Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel, de la SociĂ©tĂ© des Etudes OcĂ©aniennes, de l’UniversitĂ© de la PolynĂ©sie française, de l’Association Tahiti HĂ©ritage, du Service de la Culture et du Patrimoine, des associations et des Matahiapo de la commune de PUNAAUIA.