Muriavai : l'embouchure de la Punaru'u

15/10/2023 - 5 minutes de lecture

TOPONYMIE ET ORIGINES DE MURIĀVAI

SituĂ©e entre les terres VAIPARĀOA et VAITIAMANINO, l’embouchure de PUNARU’U a pour nom toponymique celui de la terre jouxtant sa rive gauche : VAIPARĀOA (L’eau des baleines) ou TEPARĀOA (PARĀOA : baleine). Un nom symbolique puisqu’effectivement baleines et dauphins Ă  long bec deviennent, le temps d’une saison, les occupants privilĂ©giĂ©s de la grande Baie de PUNAĀUIA.

Se dĂ©versant dans cette mĂȘme Baie, l’embouchure de PUNARU’U, MURIĀVAI, empruntait autrefois, selon les saisons, deux directions autres que sa trajectoire actuelle pour rejoindre l’ocĂ©an. Ainsi, d’un cycle Ă  l’autre, elle traversait, tantĂŽt, l’intĂ©rieur des terres VAIPARĀOA, Ă  proximitĂ© du site actuel du MusĂ©e des Tahiti et des Îles, tantĂŽt, les terres VAITIAMANINO situĂ©es plus Ă  l’Est.

MURIĀVAI MARQUEE PAR L’HISTOIRE DE LA GUERRE FRANCO-TAHITIENNE

En 1844, « suite Ă  un incident qui porte atteinte Ă  la souverainetĂ© de la reine POMARE, Ă  l’annexion de Tahiti par Dupetit-Thouars le 6 novembre de la mĂȘme annĂ©e (
) et Ă  la confiscation de ses terres Â», un conflit Ă©clate entre les partisans de cette derniĂšre et les troupes françaises : c’est la Guerre Franco-Tahitienne. AprĂšs avoir traversĂ© TARAVAO, MAHAENA, PAPENOO puis FAUTAUA, les insurgĂ©s tahitiens se rassemblent Ă  PUNAAUIA.

Le 12 avril 1846, le commandant BRUAT dĂ©barque un corps expĂ©ditionnaire Ă  TAAPUNA. RepoussĂ© par 600 guerriers tahitiens, les troupes françaises, rejointes par 216 alliĂ©s tahitiens, investissent les rivages dont celui de l’embouchure de PUNARU’U. Les 27 et 28 mai 1846, un nouveau dĂ©barquement est effectuĂ© Ă  la Pointe de NU’UROA oĂč, sur la terre ARI’ITIA, sera Ă©difiĂ©e la Tour Noire dite « PA FARANI Â» dĂ©truite en 1959.  S’en suivra la traversĂ©e des terres pour rejoindre l’intĂ©rieur de la vallĂ©e de PUNARU’U et l’édification de 3 fortins. Cet affrontement laissera son empreinte dans l’histoire de PUNAAUIA.

UN LAIS DE MER ET QUATRE SAISONS BIEN DISTINCTES

Jadis, le site VAITIAMANINO, aujourd’hui appelĂ© MURIĀVAI, n’était qu’un lais de mer qui rythmait la vie de la population selon quatre saisons prĂ©cises tournĂ©es, soit vers l’ocĂ©an, soit vers la vallĂ©e de PUNARU’U. John TUAIVA, originaire de PUNAĀUIA, se souvient de ces quatre saisons.

Dans les annĂ©es 60, alors ĂągĂ© de 6-7 ans, il se rappelle de toutes les activitĂ©s qui permettaient Ă  la population de vivre. Ainsi, au mois de mars, les filets de pĂȘche valsaient sur le plan d’eau, c’était alors le premier cycle des ATURE (chinchards). Du mois d’avril au mois de mai, la population se retrouvait dans la vallĂ©e de PUNARU’U pour la cueillette du cafĂ©. A l’époque, la basse vallĂ©e foisonnait de plantations ; on y trouvait Ă©galement des orangers et des citronniers dont les premiĂšres rĂ©coltes dĂ©marraient au mois de juin pour se terminer au mois de juillet. Nul besoin de se rendre dans les montagnes, tout Ă©tait Ă  porter de main. En aoĂ»t, la chasse aux cochons Ă©tait ouverte. Enfin, au mois de novembre, les habitants reprenaient la cueillette des agrumes et la pĂȘche aux ATURE (chinchards) mais Ă©galement aux ÄȘNA’A (alevins).

MURIĀVAI, UNE BATAILLE ENVIRONNEMENTALE CONTINUELLE

N’échappant pas au dĂ©veloppement industriel de la vallĂ©e de PUNARU’U, le cycle nourricier de MURIĀVAI, mais surtout son paysage est fortement perturbĂ© par cette modernisation.

En 1973 la dĂ©libĂ©ration municipale N°50 du 1er dĂ©cembre1973 institue la taxe sur les ordures mĂ©nagĂšres. Le site devient, quelques temps aprĂšs, le premier dĂ©potoir de la Commune. Au-delĂ  des amas d’ordures recouverts d’un remblai, MURIĀVAI doit Ă©galement faire face aux activitĂ©s polluantes des industriels installĂ©s dans la vallĂ©e de PUNARU’U. En octobre 1994, face Ă  une grave pollution ayant provoquĂ© la mort de nombreux alevins, l’association TE MATA ARA O TE MURIĀVAI NO PUNARU’U (L’Ɠil vigilant de l’embouchure de la PUNARU’U) voit le jour. MURIĀVAI, touchĂ©e par de nombreuses pollutions environnementales mettant en pĂ©ril la faune et la flore marine, le combat pour la protection du site est lancĂ© et les actions de nettoyage se succĂšdent au fil des ans.

Les dĂ©chets enfouis dans la vallĂ©e sont aujourd’hui encore ramassĂ©s Ă  l’embouchure. Face Ă  cela, riverains et associations environnementales, accompagnĂ©s de la Commune, continuent de se mobiliser pour la sauvegarde et la protection de leur site.

MURIĀVAI, LIEU DE RENDEZ-VOUS DE LA JEUNESSE DE PUNAĀUIA

Forte de sa mobiliation environnementale,  l’association TE MATA ARA O TE MURIĀVAI NO PUNARU’U Ă©largit ses missions pour s’intĂ©resser Ă©galement aux problĂšmes de la jeunesse de PUNAĀUIA. En 1997, et dans le cadre des actions d’insertions des jeunes, par arrĂȘtĂ©s n°237/CM du 27 fĂ©vrier 1997 et n°1252/CM du 4 septembre 2000, le Pays autorise ladite association Ă  occuper la parcelle du lais de mer sis au droit des terres VAITIAMANINO, TEPUNAROURA FAREAITO.

Les membres de l’association construisent alors un local dans lequel est crĂ©Ă© une Ă©cole d’initiation aux techniques de pĂȘche lagonaire et de conservation de poissons, de prĂ©paration au permis A, et de bien d’autres activitĂ©s   permettant l’insertion des jeunes dans la vie active. La « cabane Â» devient alors le lieu de rendez-vous incontournable de cette jeunesse qui, au fil des ans, se sont appropriĂ©s les lieux.

Sur ce mĂȘme site, le 19 mars 2010, les nouveaux locaux de la Maison Pour Tous de PUNAĀUIA, en fonctionnement depuis 1997, sont inaugurĂ©s.  MURIĀVAI accueillera des gĂ©nĂ©rations d’enfants et de jeunes de la Commune qui seront marquĂ©s de son empreinte historique, environnementale et sociale.

MURIĀVAI PARTIE INTEGRANTE D’UNE ZONE REGLEMENTEE

La Baie de PUNAĀUIA-NU’UROA, qui accueille saisonniĂšrement les mammifĂšres marins, permet, aujourd’hui encore de nourrir ses riverains. Ainsi, afin de faire face aux risques de surexploitation des ressources marines, en 2016, par arrĂȘtĂ© CM du 29 fĂ©vrier 2016, toute la zone lagonaire de NU’UROA, incluant MURIĀVAI, est dĂ©clarĂ©e Zone de PĂȘche RĂšglementĂ©e. Un comitĂ© de gestion composĂ© de reprĂ©sentants du Pays, de la Commune et de la sociĂ©tĂ© civile locale est mis en place pour veiller au respect des mesures de protection et pour Ă©mettre toute proposition en matiĂšre de prĂ©servation des Ă©cosystĂšmes, de la biodiversitĂ© marine et de pĂȘche des espĂšces marines au droit de la Commune.

REDYNAMISATION DE MURIĀVAI

Jouissant d’un passĂ© historique qui a rythmĂ© la vie des riverains, empreint du passage de ses pĂȘcheurs, de ses surfeurs, de sa jeunesse, le site de MURIĀVAI mĂ©ritait d’ĂȘtre redynamisĂ©. En 2017, la Commune Ă©met le souhait d’ĂȘtre affectataire dudit site afin de mettre en Ɠuvre un programme d’animations et d’actions sociales en faveur des jeunes des quartiers environnants. Ainsi, par arrĂȘtĂ© n°02042/CM du 6 novembre 2017, la demande de la collectivitĂ© reçu un avis favorable. DĂšs lors, les travaux furent entrepris afin que tous les projets au bĂ©nĂ©fice de la jeunesse puissent Ă  nouveau voir le jour Ă  MURIĀVAI.